Le phénomène des mères célibataires connait une expansion ces dernières années. » Près de 20% de foyers béninois seraient aujourd’hui dirigées par une femme seule dont la majorité avec des enfants à la charge » lit-on dans une enquête sur le sujet publié le 08 avril 2025 par Firmin Sowanou sur Kafoweb. Cette croissance soudaine est-elle la résultante des luttes féministes, la conséquence d’un mari irresponsable, le résultat de l’insoumission féminine ? D’autres facteurs entrent ils en considération ? Les interrogations sont multiples et les femmes concernées s’expriment sur leur célibat, un objet de stigmatisation et de dépréciation sociale.
» Le rêve de toute femme est, je dirais le mien est de fonder une famille et de vivre épanouie dans cette dernière. J’ai rencontré le père de ma fille, il y a cinq ans, nous avions des projets d’avenir, mais à l’annonce de ma grossesse, les choses ont changé et ce radicalement. Il a prétexté notre situation financière précaire, il a affirmé ne pas être prêt à devenir père etc. Sa sentence a été lourde : » si tu tiens à moi, il faille que tu avortes cet enfant ». Bien sûr que je n’ai pas avorté, j’ai essayé de le convaincre, de le ramener à la raison mais monsieur était ferme. Au fil du temps, il m’a bloqué sur les réseaux sociaux.
Aujourd’hui Emilys a deux ans, je vis seule avec elle. J’ai mon atelier de coiffure, je prends soin de ma fille et j’entends parfois des voix chuchoter dans mon dos » elle n’a pas de mari, c’est une allumeuse ! » Ce fut là, le témoignage de Divine, nom d’emprunt. Âgé de 28 ans, cette mère célibataire, esseulée a le goût amer d’une trahison et rumeurs qui courent sur sa personne quotidiennement.

Née de parents aisés, Amélie, la quarantaine a grandi dans le catholicisme. Avec ses diplômes, elle a décroché un travail et rencontré Mohamed, une rencontre infortune que ses parents n’apprécièrent guère. Elle convole quand même des noces avec son amoureux avec qui elle a eu une fille, un an après.
» Ce fut le début de mon calvaire. Mon ex-mari m’amena en belle famille pour que je fasse mes preuves. Sa famille ne m’appréciant point a tout fait aussitôt pour lui trouver une autre femme, une musulmane capable d’enfanter un fils pour sa descendance. Je voulais coûte que coûte me faire aimer, j’ai dû arrêter mon boulot pour être l’épouse soumise qui reste à la maison et qui s’occupe de son mari, de sa belle-famille. Cependant ma coépouse, ma belle-famille et même mon mari me rabaissaient sans relâche. Le comble fut le jour de mon second accouchement. J’ai mis au monde mon second enfant : une fille, encore une fille par voie haute. Quand ils l’apprirent, personne n’est venu me voir. J’ai dû appeler ma mère qui a payé les frais d’hospitalisation et tout. Pour ne plus subir ces inhumanités, je suis rentrée avec ma mère après ma sortie de l’hôpital disant adieu à mon ménage. » Ce discours sans cesse interrompu par des larmes est une amertume mal dissimulée. Aujourd’hui Amélie, mère épanouie, vit dans sa maison avec ses filles et vit son célibat dignement.
Modukpè, jeune fille de 23 ans est célibataire. Mère d’un petit garçon de 4 ans, elle nous fait part des circonstances de son célibat. « Les circonstances sont d’ordre personnel, religieux et familial.
Religieux parce qu’il est chrétien et moi musulmane. Nos familles respectives n’étaient pas très d’accord sur ce point. Étant jeunes, nos parents ont trouvé que c’était une grande responsabilité qui nous était imposée et que vivre ensemble ne serait pas une bonne option. Il y avait aussi le fait que nous n’étions pas d’accord sur certaines choses, ce qui entraînait des disputes tout le temps. Je suis orpheline de père et de mère, issue d’une famille polygame. Disons que la vie ne m’a pas vraiment fait cadeau.
A mes 19 ans, j’ai su que j’étais enceinte. Mon copain et moi en avons parlé à nos parents mais l’entente n’était pas au rendez-vous. En dehors de ça, il y a eu des événements qui se sont déroulés.
J’ai su qu’il avait eu une liaison avec ma sœur. » Éprouvée par les souvenirs d’un passé malheureux, elle finit » C’est un sujet assez sensible sur lequel je n’aime pas me prononcer, désolé ».
« On n’en parle pas assez, on montre du doigt les femmes célibataires, on ne voit pas les autres facettes mais serait-il un coup du destin ? » Chaque femme a son histoire. Et le célibat n’est juste qu’un passage. À mon humble avis nous ne pouvions pas échapper à la destinée » confie une mère célibataire.
Huguette Hontongnon