Inquiet des risques de violences que peuvent entrainer les incohérences du système électoral actuel, le parti d’opposition Les Démocrates appelle à une relecture du Code électoral. Lors d’une rencontre avec la presse, le dimanche 18 mai 2025, ses leaders ont tenu à éclairer l’opinion publique et alerté sur les choses à corriger dans le code électoral afin de préserver la paix et garantir la transparence du scrutin à venir.

« Nous n’avons pas peur de perdre les élections. Ce que nous craignons, c’est ce que ce code peut engendrer s’il reste tel quel. » C’est l’un des messages clés à retenir de la rencontre entre les membres du parti Les Démocrates et des journalistes ainsi que des influenceurs béninois, organisée au siège du parti dimanche 18 mai 2025.

Face à la presse, les responsables du parti ont exprimé leur inquiétude. Ils plaident sans détour pour une révision de certaines dispositions du Code électoral en vue des élections générales de 2026.

« C’est pour la paix que nous tirons la sonnette d’alarme », a insisté Nourénou Atchadé, vice-président du parti. L’homme politique met en garde contre d’éventuels débordements, voire des violences, si des réajustements ne sont pas opérés à temps. Au-delà des intérêts partisans, c’est la stabilité du pays qui est en jeu, selon lui.

Dans la même lancée, Éric Houndété, premier vice-président du parti, a prévenu que si rien n’est fait pour modifier le Code électoral avant 2026, « cette fois-ci, nous ne nous laisserons pas faire. Nous serons vigilants du début à la fin. Le piège des 20 % ? Ils y tomberont eux-mêmes. »

Pour sa part, Guy Dossou Mitokpè, secrétaire national à la communication, a pris soin d’exposer les points litigieux du Code électoral. Selon lui, certaines clauses actuelles ne garantissent ni l’équité ni la transparence du processus. Loin de toute victimisation, Les Démocrates demandent une concertation nationale afin de corriger ce qui doit l’être.

Lire ci-dessous l’intégralité de la présentation des dispositions faite par Dr Guy Dossou-Mitokpè.

Mesdames et Messieurs les journalistes,

Bonjour et merci d’avoir répondu présents à notre invitation.

Nous sommes heureux de vous accueillir aujourd’hui pour cette séance d’échange et d’information dédiée au Code électoral. Votre rôle, en tant que relais d’information auprès du public, est essentiel dans le processus électoral. Il est donc fondamental que vous disposiez d’une connaissance claire, précise et actualisée du cadre légal et réglementaire qui régit les élections dans notre pays.

L’objectif de cette rencontre est double :

Vous informer sur les dispositions clés du Code électoral qui méritent d’être réviser au risque de mettre en mal la paix et la cohésion nationale.
Échanger avec vous, répondre à vos questions, recueillir vos observations afin qu’a partir de cet instant nous soyons sur la même longueur d’onde
En outre retenons que le but n’est pas d’alerter de manière alarmiste, mais d’engager un échange constructif autour de textes qui pourraient, dans leur rédaction actuelle, poser des problèmes d’interprétation, d’équité ou de transparence dans le cadre des scrutins à venir.

Encore une fois, merci pour votre présence et votre engagement.

Bonne séance à tous.

Parmi les points soulevés figurent notamment :

Article 17: L’article 17 nouveau du Code électoral béninois, tel que modifié par la loi n°2024-13 du 15 mars 2024, stipule que l’Agence nationale d’identification des personnes (ANIP) doit transmettre à la Commission électorale nationale autonome (CENA) les statistiques relatives à la Liste électorale permanente informatisée (LEPI) 180 jours avant la date du scrutin. La liste électorale complète doit être fournie au plus tard 60 jours avant le premier scrutin de l’année électorale, avec une publication 15 jours avant sa transmission à la CENA.

Le droit de vote est un pilier essentiel de la démocratie, garantissant à chaque citoyen la possibilité de participer aux décisions politiques de son pays. Cependant, l’application actuelle de l’article 17 du Code électoral béninois présente une lacune qui pourrait priver certains citoyens de ce droit fondamental.

En effet, la rigidité des délais fixés pour l’extraction et la transmission de la liste électorale entraîne une exclusion involontaire des jeunes citoyens qui atteignent l’âge de 18 ans entre la date d’extraction de la liste et la date des élections Présidentielles car la loi parle d’extraction par rapport au premier scrutin de l’année. Ces nouveaux majeurs, bien qu’éligibles au vote, se retrouvent privés de leur droit en raison de leur non-inscription sur la liste électorale, figée plusieurs mois avant l’élection.

Cette situation crée une inégalité parmi les citoyens et contrevient au principe d’universalité du suffrage.

Suggestion : Pour renforcer la légitimité démocratique du Bénin, il est crucial d’adapter le cadre légal afin de permettre à tous les citoyens éligibles, y compris les nouveaux majeurs, d’exercer leur droit de vote. Pour le faire il faudrait permettre une seconde extraction du fichier électoral pour les élections présidentielles.

Article 42: L’article 42 du Code électoral instaure l’obligation pour tout candidat à une élection de fournir un quitus fiscal délivré par l’administration fiscale. Ce document atteste que le candidat est en règle avec ses obligations fiscales et constitue une condition essentielle pour valider sa candidature.

L’objectif principal de cette disposition est de garantir que les élus sont financièrement responsables et respectent les obligations fiscales de l’État. Cependant, son application soulève plusieurs préoccupations démocratiques. D’une part, le traitement des demandes de quitus fiscal peut être sujet à des lenteurs administratives, compromettant l’égalité d’accès aux élections. D’autre part, il existe un risque d’instrumentalisation politique, où le refus ou le retard dans la délivrance du quitus peut être utilisé comme un outil d’exclusion contre certains candidats, notamment ceux de l’opposition. C’est ce qui s’est produit en 2022 lorsque plusieurs membres du parti Les Démocrates n’ont pas obtenu leur quitus fiscal, bien qu’ayant réglé leurs dettes fiscales.

Suggestions : Remplacer le quitus fiscal par une déclaration sur l’honneur. En effet, lors des dernières Législatives de 2023, le Directeur des Impôts a admis devant la Cour Constitutionnelle avoir reçu des instructions afin de ne pas remettre aux bénéficiaires leurs quitus fiscaux et a ainsi démontré le caractère arbitraire et partisan de la distribution de cette pièce administrative.

Article 66 : L’article 66 du Code électoral confie à la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA) la responsabilité de nommer les membres des bureaux de vote. Cependant, le texte ne précise pas la procédure de sélection, ce qui soulève des préoccupations quant à la transparence et à l’équité de ce processus. Cette absence de clarté peut conduire à une perception de partialité, notamment si les présidents et assesseurs des bureaux de vote sont des militants de la mouvance présidentielle, excluant ainsi l’opposition de manière effective.

Suggestion : Pour remédier à cette situation et garantir une représentation équilibrée de toutes les sensibilités politiques dans les bureaux de vote, il est essentiel d’impliquer les partis politiques dans le processus de désignation : Permettre aux partis de l’opposition, de proposer des candidats pour les postes de président ou d’assesseurs garantirait une représentation équitable.

Articles 93 : L’article 93 du Code électoral organise la répartition des procès-verbaux (PV) et des feuilles de dépouillement entre plusieurs institutions : la Cour suprême, la Cour constitutionnelle, la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA), l’arrondissement et pour l’affichage. Cependant, les représentants des partis politiques ne disposent que d’un seul exemplaire de ces documents, à partager entre les représentants des candidats Dans un contexte où plusieurs partis sont en lice, cette restriction pose un problème majeur : l’accès à ces Procès-verbaux de centralisation et de compilation pourraient être monopolisés par les formations proches du pouvoir, privant de facto les partis d’opposition des documents nécessaires pour étayer d’éventuels recours électoraux.

Ce mécanisme ne garantit pas que l’opposition puisse accéder aux PV en temps voulu pour préparer des recours électoraux. En effet :

Si les partisans du pouvoir s’approprient l’unique copie disponible pour les candidats, les partis d’opposition n’auront aucun moyen de vérifier et contester officiellement les résultats.
Sans procès-verbaux certifiés, il devient difficile de prouver des irrégularités devant les juridictions compétentes (Cour constitutionnelle, Cour suprême).
– Suggestion : Demander explicitement que le Coordonnateur d’arrondissement établisse autant de PV de compilation et de centralisation que de représentants des candidats et des partis politiques en lice et présents. Tout refus de remise de copie de feuille de dépouillement à chaque représentant présent de candidat ou de parti politique constitue une fraude électorale, passible de poursuites judiciaires, et est imprescriptible.

Article 132 : L’article 132 nouveau du Code électoral impose aux candidats à la présidentielle d’obtenir le parrainage de 15 % des députés et/ou des maires, tout en exigeant que ces parrains proviennent d’au moins trois cinquièmes (3/5) des circonscriptions électorales législatives.

Actuellement, le parti d’opposition « Les Démocrates » (LD) dispose exactement de 28 députés, soit le nombre exact requis pour parrainer un candidat. À première vue, cela pourrait permettre au parti de présenter un candidat en 2026, mais il suffirait qu’un seul député des Démocrates soit empêché, contraint à la démission ou empêché de voter, pour faire chuter leur nombre sous le seuil des 28 députés. Dans le passé, des pressions politiques, des exclusions ou des défections orchestrées ont déjà été utilisées pour affaiblir l’opposition au Bénin et dans certains pays africains.

Une autre disposition de l’article 132 verrouille encore plus la présidentielle : les députés et maires ne peuvent parrainer qu’un candidat issu de leur propre parti. Cela empêche tout éventuel soutien externe à un candidat d’opposition indépendant ou dissident.

Le code électoral dispose qu’il faut 15% des parrains, c’est le taux le plus élevé au monde pour les pays où il existe le système de parrainage. En France par exemple il est de 1,17% soit 500 parrains sur 42 600 parrains. Au Sénégal, il est de 0,6 à 0,8% des électeurs, ou de 13 Députés sur 165 soit 7,87%. Le système de parrainage pour qu’il ne soit pas exclusif doit tenir compte des partis politiques en place. Nous avons au Bénin au moins 17 partis politiques. S’il faut 15% pour un parti, c’est qu’il ne peut avoir au mieux que 6 Duos (Président et Vice-président) à l’élection présidentielle. Les 11 partis restants sont exclus.

– Suggestions : Ramener le parrainage à 5% des élus et permettre la liberté totale de parrainage aux parrains. Considérant désormais que les maires sont nommés par les partis politiques, il apparait plus judicieux de permettre le parrainage des élus communaux, seuls élus désormais avec les députés, pour les élections Présidentielles.

Article 146 : L’Article 146 nouveau du Code électoral béninois introduit un nouveau seuil d’éligibilité à l’attribution des sièges législatifs, en exigeant qu’un parti recueille au moins 20 % des suffrages valablement exprimés dans chaque circonscription électorale législative pour pouvoir prétendre à des sièges.

Cette disposition, couplée à l’introduction des accords de coalition parlementaire, constitue un outil de verrouillage institutionnel destiné à favoriser les partis au pouvoir (UP-R et BR) et à exclure de facto les partis d’opposition, notamment « Les Démocrates ».

L’une des plus grandes aberrations de cette réforme réside dans l’obligation d’atteindre 20 % des suffrages dans chaque circonscription pour pouvoir prétendre à des sièges.

Un parti pourrait gagner largement dans 23 circonscriptions sur 24, mais ne pas atteindre 20 % dans une seule circonscription, et perdre tous ses sièges !
Cela signifie qu’un parti largement plébiscité au niveau national peut être totalement écarté du Parlement sur la base d’une exigence locale démesurée.
Ce seuil introduit une distorsion majeure entre le vote populaire et la représentation parlementaire, aboutissant à une confiscation des sièges par les partis dominants.
Néanmoins la nouvelle loi prévoit qu’un parti qui atteint au moins 10 % des suffrages peut bénéficier d’un accord de coalition parlementaire pour regrouper ses voix et franchir la barre des 20 % exigés.

Mais voici le piège :

Seuls les partis ayant atteint 10 % des suffrages peuvent conclure un accord de coalition.
Il n’est pas évident qu’un autre parti de l’opposition, dans notre contexte, atteigne les 10% sur le plan national.
L’UP-R et le BR, en revanche, peuvent fusionner leurs voix pour dépasser artificiellement le seuil des 20 % sans difficulté.
L’introduction de ces seuils et accords de coalition n’est pas une réforme anodine, mais une manœuvre législative pour écarter l’opposition et contrôler intégralement le paysage politique avant l’élection présidentielle de 2026.

Un Parlement entièrement contrôlé par l’UP-R et le BR pourra ensuite modifier d’autres lois électorales ou institutionnelles pour assurer une transition verrouillée en 2026.
– Suggestions : Ramener le seuil à 5 % au niveau national.

Nous restons à votre disposition pour vous fournir des analyses juridiques plus détaillées, répondre à vos questions ou organiser des rencontres avec des experts indépendants sur ces enjeux.

Votre rôle dans la couverture équilibrée et rigoureuse de ces questions est crucial pour la transparence du processus démocratique. Ensemble, contribuons à une information de qualité et à une élection crédible.

N. Faboladji Abèrèkéré

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