Dans un contexte de pression croissante sur les rendements agricoles, les pesticides sont devenus incontournables dans les pratiques paysannes au Bénin. Mais leur usage intensif soulève de sérieuses inquiétudes pour la santé des consommateurs, l’environnement et les agriculteurs eux-mêmes. Entre sécurité alimentaire et sécurité sanitaire, le pays cherche encore le bon équilibre.

Dans les plantations maraîchères comme dans bien des champs à travers le pays, l’odeur âcre des pesticides est devenue familière.
« On ne peut pas produire sans ça. Les insectes détruisent tout », confie Sébastien DOSSA, producteur. Comme lui, de nombreux agriculteurs béninois admettent recourir régulièrement à des produits phytosanitaires, parfois importés de manière informelle.
Pour ces producteurs, les pesticides sont un “mal nécessaire” dans une agriculture de plus en plus exposée aux aléas climatiques, aux attaques parasitaires et à une demande croissante de rendement.
« Si vous voulez nourrir les marchés, vous n’avez pas le choix », tranche un exploitant de légumes à Parakou.

Des substances parfois mal maîtrisées

Mais les pratiques posent problème. Selon Narcisse HOUNFODJI, agronome basé à Parakou :
« Beaucoup de produits utilisés sont interdits ailleurs, mal dosés ou mal appliqués. Il y a un manque de formation sur les bonnes pratiques. Certains paysans ne portent pas de protections, d’autres pulvérisent à l’excès ou mélangent plusieurs molécules. »
Une situation qui n’est pas sans conséquences : résidus chimiques dans les légumes, intoxications aiguës chez les producteurs, pollutions des sols et des eaux.

Des consommateurs de plus en plus inquiets

Dans les marchés de Parakou, l’inquiétude est palpable.
« On ne sait plus ce qu’on mange. Même les tomates sentent le produit », s’alarme Mariette GBAGUIDI, mère de famille.
Même constat pour Rodrigue AHOKOU, enseignant à la retraite :
« Je ne fais plus confiance aux légumes du marché. Je préfère acheter chez les producteurs que je connais, ou cultiver un peu moi-même. Et je dis toujours à ma femme et à mes enfants de toujours lavé plusieurs les légumes, les haricots et les fruits avant de les préparer ou manger »
Plusieurs associations de consommateurs demandent des contrôles renforcés et une promotion plus sérieuse des produits biologiques.

Une étude publiée en janvier 2025 dans l’International Journal of Biological and Chemical Sciences a analysé 24 échantillons de miel multifloral récoltés entre 2021 et 2022 dans les localités de Kérémou et de Founougo. Les résultats ont montré que tous les échantillons contenaient des résidus de pesticides chimiques, avec une concentration plus élevée dans le miel récolté en novembre. Au total, 35 molécules actives ont été détectées, réparties en 16 familles chimiques, notamment les organophosphorés, les pyréthrinoïdes, les triazoles, les triazines et les néonicotinoïdes.

Face à cet état de choses, il est nécessaire de mieux réguler l’utilisation des pesticides au Bénin et de renforcer la sensibilisation des producteurs aux risques qui y sont liés.

Un virage agroécologique encore timide

Malgré les campagnes de sensibilisation sur les dangers des pesticides, les formations à l’agriculture biologique et les encouragements à l’usage de biopesticides, les résultats restent limités.
« Les moyens sont insuffisants et la réglementation manque de rigueur. Le marché est envahi de produits illicites », déplore encore Narcisse HOUNFODJI.

Former, encadrer et proposer des alternatives viables, serait adéquat, car :
« Ce n’est pas le pesticide en soi qui est le problème, c’est son usage », insiste l’agronome.

Entre impératif de rendement agricole et nécessité de préserver la santé publique, le débat reste entier. Le défi pour le Bénin est désormais de concilier productivité et durabilité, afin de garantir une alimentation saine à ses citoyens sans compromettre la sécurité des producteurs ni celle des écosystèmes.

Aoulath Osseni

By Jupiter

Solverwp- WordPress Theme and Plugin