Les prénoms qu’ils soient endogènes ou religieux reflètent des valeurs, des évènements familiaux, l’appartenance sociale, la trajectoire individuelle et identitaire. En Afrique, un prénom n’est pas donné au hasard, mais au vu des circonstances de la naissance, à la base de consultation… Les prénoms accompagnent toute la vie et ont d’importants impacts sur ceux qui les portent.

Dans la nuit des temps, lorsqu’un enfant naît, on consulte l’oracle pour voir sa destinée, le nom qu’il va porter, ses interdits et les rituels à faire pour agréer sa venue au monde. Aujourd’hui, peu de gens font cette pratique, toutefois les prénoms ne sont pas donnés sur un coup de tête pour la plupart , il en est de même pour les prénoms religieux. Les prénoms reflètent toujours les circonstances de la naissance, les évènements en prélude à la naissance de ceux qui les portent . Dans la tradition, les prénoms tels que : Baba – Toundé et Iyabo( noms yoruba signifiant le père est revenu, la mère est revenue) sont destinés aux premiers petits fils nés après le décès de leurs grands parents. Les prénoms comme Dossi et Dossou sont donnés aux enfants qui suivent directement les jumeaux. Les prénoms Tété, Gboja, Sagbo, Akuélé, Akuété sont destinés aux jumeaux et chacun d’eux à une signification.


Pour Jacob Djougou, professeur de français, attaché aux faits traditionnels » les prénoms endogènes et religieux reflètent l’image du porteur, clarifient les circonstances de la naissance suivent l’enfant sur son parcours terrestre. Par exemple, quand on dit Denakpo, Denangan, on sait immédiatement que ce sont les enfants Abikou. Des parents ont perdu un à un leurs progénitures et donnent Denangan ou Denakpo qui signifient respectivement ( l’un d’eux survivra, l’un d’eux restera) à l’enfant qui a pu tiré son épingle du jeu. Quand on appelle un enfant  » Manassé » qui signifie  » Dieu a lavé toutes mes peines », on peut dire que la mère a longtemps cherché à concevoir et que son vœu a été enfin exaucé. Les prénoms  » Houefa , Fifamè » pour leur part sont donnés à des enfants qui ont ramenés la paix dans un foyer où le désaccord a régné. Tout au long de leurs vies, vous verrez en ces enfants , la paix et la grâce « .
Interrogé sur le sujet, Rodrigue Hounkposso, socio- anthropologue et coach en développement personnel a levé un coin de voile sur les origines des prénoms endogènes et les portées sur l’existence de ceux qui les portent.


« Au Bénin, quand un enfant naît, le choix du prénom n’est jamais anodin. Ce n’est pas juste un mot pour l’appeler. C’est un message, une identité, parfois même une mission.

Un prénom endogène, souvent donné dans nos langues locales, porte la mémoire d’une famille, d’un peuple, d’une histoire. Il peut dire le rang de naissance (Kokou, Kodjo), des circonstances particulières (Agossou, Noudokpo), ou un lien spirituel avec les ancêtres. Il enracine l’enfant dans une culture, un territoire, une cosmogonie. Mais dans certains milieux urbains, ces prénoms peuvent être moqués ou considérés comme « arriérés ».
Résultat : de nombreux jeunes les cachent ou n’osent pas les porter avec fierté. Pourtant, ces prénoms sont des trésors culturels.

D’un autre côté, les prénoms religieux chrétiens ou musulmans comme Jean, Fatoumata, Mohamed, Marie sont devenus très courants. Ils témoignent d’une foi, d’une appartenance communautaire, et sont souvent plus facilement acceptés dans les milieux scolaires, administratifs ou professionnels. Ils sont perçus comme plus « modernes », plus « neutres ». Mais cette apparente neutralité peut aussi effacer l’ancrage culturel. Certains finissent par se sentir coupés d’une part d’eux-mêmes.

Je rencontre parfois des jeunes adultes qui, en quête de sens, se tournent vers leur prénom oublié. Ils cherchent ce que cela signifie, d’où cela vient, pourquoi leurs parents l’ont choisi. D’autres découvrent avec fierté leur prénom endogène caché derrière le prénom religieux officiel. Cela devient une forme de réconciliation intérieure.

Le prénom façonne l’estime de soi, le sentiment d’appartenance, le rapport au monde. Il peut élever, mais aussi enfermer. Il peut connecter à une mémoire collective, ou au contraire, imposer une norme extérieure.

Au fond, il ne s’agit pas de choisir entre l’un ou l’autre. Beaucoup de familles aujourd’hui donnent deux prénoms : un religieux et un endogène. Et c’est peut-être là la voie de l’équilibre. Affirmer sa foi sans renier ses racines. Porter son héritage sans peur du regard de l’autre. »
Et il est avéré que le choix du prénom n’est pas toujours anodin, nous sommes au Bénin et toute chose à une explication. Marie Mahounan , raconte les circonstances de sa venue au monde et le prénom qu’elle porte.  » Ma mère m’a raconté qu’elle ne savait pas qu’elle était enceinte jusqu’à ses sept mois de grossesse. Elle travaillait comme deux personnes et trouvait toujours ses menstrues, jusqu’au jour, elle a eu une crise. Elle a été amenée à l’hôpital avant qu’on ne découvre la grossesse. Elle en était étonnée car elle avait déjà la quarantaine et pensait avoir fini d’enfanter. Son dernier fils avait sept ans et mon arrivée n’a pas été exempt de complications. Pour cela, elle m’a donné Mahounan  » Dieu a donné ».

Les prénoms sont porteurs d’identité , définissent ceux qui les portent et ont des impacts significatifs sur eux. Il est donc judicieux de les choisir avec soin.

Huguette Hontongnon

By Jupiter

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