C’est beau de lire dans l’article 142 de la Constitution que : la haute autorité de l’audiovisuel et de la communication a pour mission de garantir la liberté et la protection de la presse, ainsi que de tous les moyens de communication de masse dans le respect de la loi. Elle veille au respect de la déontologie en matière d’information et à l’accès équitable des partis politiques, des associations et des citoyens aux moyens officiels d’information et de communication. Mais au-delà de l’écrit, que constate-t-on ?
Aux mains des politiciens, la faible présence de professionnels ne garantit nullement un engagement franc de l’institution en faveur des médias. Voyez-vous comment les médias sont foudroyés lorsqu’ils osent s’attaquer à des politiciens de certains niveaux ? En tout cas, les décisions sont souvent mortelles pour les organes de presse qui ne veulent pas être gentils dans leur ton envers les hautes autorités.
Deux (02) exemples :
- 1- Par décision 11-063/HAAC du 08 décembre 2011, la HAAC a interdit de parution Le journal Le béninois libéré tout en prohibant l’exercice du métier de journaliste aux responsables de cette entreprise de presse que sont : Aboubakar TAKOU et Éric TCHIAKPE. Heureusement que cette décision aussi nuisible soit annulée par la Cour suprême. Savez-vous qu’une telle décision terroriste a été rendue par une mandature pourtant à une forte majorité faite d’hommes de la presse ? Ils étaient 6 Conseillers à avoir été des médias ( pour cette mandature d’alors) contre 3 politiciens. Question : Doit-on toujours se fier au devoir de loyauté des confrères siégeant dans l’institution ?
2– Sur la base de la décision 23-031/HAAC du 08 août 2023, tous les médias du groupe La Gazette du Golfe ont été suspendus jusqu’à nouvel ordre. Jusqu’à nouvel ordre depuis deux (02) ans ? Pour un média ?
Avez-vous vraiment vu la HAAC se lever pour s’opposer catégoriquement à une mesure défavorable aux journalistes ? La HAAC n’est- elle pas là quand le législateur « a sorti » les journalistes de la commission béninoise des droits de l’homme ? Avez-vous vu la HAAC réagir lorsque la police frappe des journalistes détenteurs de la carte de presse et qui pourtant font preuve de discipline sur le terrain ? Mais voyez-vous comment Reporter sans frontières réagit dès la moindre menace sur un confrère dans n’importe quel pays ?
N’oublions pas que l’article 8 de la loi organique de la HAAC accorde quand même le pouvoir à l’institution de bien plaider pour les journalistes.
Extrait de l’article 8 de la loi organique :
La haute autorité de l’audiovisuel et de la communication délibère sur toutes les questions intéressant la presse et la communication…Les projets ou propositions de lois et les textes réglementaires relatifs à la presse et à la communication lui sont soumis pour avis. Elle peut, à l’attention des pouvoirs exécutif et législatifs, formuler des propositions, donner des avis et faire des recommandations sur les questions relevant de sa compétence.
En vérité, il y a des questions sur lesquelles le chroniqueur avait longuement espéré une réaction de la HAAC. Hélas !
Mais, il aurait certainement suffi qu’un journal fasse une critique peu tendre envers des influents, pour que l’institution ouvre sa valise de mesure conservatoire et de mise en demeure pour sortir les outils de décapitation. Voilà avec un peu d’insatisfaction, comment l’institution chargée de gérer les médias se montre plus sensible aux bavures contre les politiciens qu’aux réalités des journalistes .

Quels sont des exemples de décisions gouvernementales sur lesquelles le chroniqueur avait souhaité une opinion de la HAAC ?
- La création et la configuration du comité éditorial de SRTB par décret décret 2023-582 du 08 novembre 2023 : que pense la HAAC d’une telle initiative à risques pour les médias de service public ?
- L’exclusion des journalistes du Conseil national des archives par le décret 2024-1407 du 11 décembre 2024. La HAAC pense-t-elle que cette option est juste ?
Ce n’est que deux (02) exemples. Il y a d’autres.
HAAC : une arme à la portée des politiciens… .
Trouvez-vous logique que ce soit des politiciens qui remplissent l’institution devant réguler les canaux de dénonciation ?
Si à la Cour constitutionnelle comme à la Cour suprême, c’est les juristes qui, en majorité, disent le droit, sur les 9 de la HAAC, c’est en grand nombre, les non journalistes qui s’occupent de la déontologie de l’information. C’est une vérité même si cela peut choquer.
A la Cour constitutionnelle, c’est les juristes qui dominent l’effectif des Conseillers. (5 praticiens du droit sur 7). Voir l’article 115 de la Constitution. Chose normale puisqu’il s’agit d’une juridiction existant pour connaître des questions de lois et de la personne humaine. Même la Cour suprême aussi est une maison d’hommes de droit.
Répétons-le ! Mais à la HAAC, c’est les étrangers à la corporation des journalistes qui sont majoritaires dans une institution née pour encadrer la liberté de la presse.
Les institutions mises en place au gré de la transition démocratique au Bénin sont nées pour jouer des rôles spécifiques. Et il faut dire que si certaines sont éminemment politiques ( Assemblée, Conseil économique et social…), d’autres sont d’abord purement techniques ( HAAC, Cour constitutionnelle, Cour suprême…).
Politicien comme communicateur hier et personnalité aujourd’hui
Avec ces réalités, il est difficile de croire que la HAAC constitue un véritable parapluie pour la presse. Car, c’est une institution qui, dans sa configuration originelle et actuelle , ressemble à un super syndicat des hommes politiques avant que les faits globalement ne desservent les journalistes. C’est d’ailleurs la seule instance technique à être à l’image d’ une grosse bassine dans laquelle les régimes peuvent tout verser. Ça peut choquer même si celà reste une pure vérité.
Savez-vous que toute personne peut être nommée Conseiller à la HAAC ? Il suffira juste de l’habiller en personnalité . Et ça y est : le Conseiller est là… C’est une vérité même si cela peut choquer !
Par le passé, c’est en qualité de Communicateur qu’on envoyait tout le monde à la HAAC. Maintenant, avec la nouvelle loi organique , le concept de Communicateur a disparu pour céder sa place à une formulation plus évasive, plus extensive qu’est le fameux mot : personnalité.
Nomination du Président de la HAAC…une voie politique
Le Président de la HAAC n’est pas élu par les pairs comme c’est le cas d’autres institutions majeures. C’est le Chef de l’État qui désigne le responsable de ladite instance. Un Président de la HAAC redevable à une mouvance , n’est-ce pas ? Pour Emmanuel ADJOVI , s’agissant de la nomination du président de la HAAC par le Chef l’exécutif, cela trahit aussi la persistance de la volonté des pouvoirs politiques de ne pas se départir du contrôle du secteur de l’audiovisuel et de la communication. . ( page 65 du Livre Les instances de régulation des médias en Afrique de l’ouest : Cas du Bénin ). Alors, la nomination du Président ( au lieu d’une élection par les pairs ) ne renforce -t-elle pas la politisation de l’institution ? A la HAAC, 06 politiciens sur les 09 Conseillers : n’est-ce pas déjà trop ?
Médice AGBEHOUNKO alias DAH ZOGBA/ Journaliste de formation – Diplômé en presse écrite/ Chroniqueur du peuple. Mardi 15 juillet 2025.