L’histoire entre le Bénin et le Gabon est jalonnée de malentendus et de tensions. Bien plus profond qu’une simple querelle de femmes, les récentes mésententes entre gabonaises et béninoises au marché de Lambaréné sont le prolongement d’un contentieux, aussi vieux que les didacteurs au pouvoir en Afrique. Dans la plupart des cas, c’est le Gabon qui, comme l’enfant capricieux d’une fratrie, tire les poils du nez de son frère.

Le 16 janvier 1977, alors que le peuple béninois profitait d’une nuit calme, espérant l’aurore pour vaquer à ses occupations, il a été plutôt réveillé par des crépitements de canons. C’était une attaque mercenaire. Le Général Mathieu KÉRÉKOU et toute l’armée béninoise, dans une mobilisation prompte et efficace viennent d’être surpris par un coup d’État conduit par le Français Bob Denard, mais qu’ils ont réussi à repousser avec brio.


Selon les services de renseignements béninois, les différentes enquêtes, interpellations et autres indices diplomatiques, l’opération aurait été préparée au Gabon, avec la complicité du président Omar Bongo.
Le plan aurait été ficelé depuis plusieurs jours au Gabon pour attaquer le Bénin. Ainsi l’avion transportant Bob Denard et sa bande aurait décollé de Franceville dans la nuit 16 janvier, pour atterrir à Cotonou au petit matin, dans le but de renverser le Régime Militaire Révolutionnaire (GMR) instauré par Mathieu KÉRÉKOU.

En réponse à cet acte de traîtrise, KÉRÉKOU boycotte le sommet de l’Union Africaine, ex Organisation de l’Unité Africaine (OUA), qui se tenait cette même année à Libreville. L’année suivante, précisément en juillet 1978 à Khartoum au Soudan, KÉRÉKOU est présent à un nouveau sommet de l’OUA. Le Général furieux et tel un guépard échaudé, dénonce publiquement le rôle du Gabon dans la tentative de sa déstabilisation, « On nous a reproché de n’être pas allés à Libreville. Parce que, nous a-t-on dit, le linge sale se lave en famille. Je voudrais qu’on m’explique quelle est cette famille, qui est le père de famille, qui est la mère de famille, qui a sali le linge, et qui va le laver ? »
Sa déclaration, ponctuée d’une ironie mordante suscite un tonnerre d’applaudissements et d’éclats de rires de la part de ses pairs, qui tente tout de même de le calmer.

Dès la retransmission par la radio de ce discours dénonciateur du Chef de l’État Béninois, il s’en est suivi au Gabon des représailles envers la communauté béninoise au marché « Mont-Bouet » où celle-ci pratique le commerce. Des troubles ont éclaté à Libreville et à Port-Gentil : les gabonais s’en sont pris aux boutiques, restaurants et autres points de vente des commerçants béninois, qu’ils ont cambriolés, pillés et saccagés. Les Béninois ont été pourchassés dans les quartiers, des blessés ont été nombreux et quelques cas de décès signalés.

De retour au pays, Omar Bongo déclarant être solidaire à son peuple, ordonne l’expulsion d’environ 10 000 Béninois. Ils ont d’abord été rassemblés dans des conditions peu hygiéniques au lycée de l’estuaire près de l’aéroport, où certains meurent faute de soins. La presse locale ne communique aucun bilan officiel.

En bon Père de la nation et dans un esprit pacifique, KÉRÉKOU organise le rapatriement de ses compatriotes au Bénin.

Le départ massif des Béninois plonge les principales villes gabonaises, notamment Libreville et Port-Gentil, dans une léthargie économique. Les Gabonais, peu habitués au commerce de proximité et aux activités pratiques, ressentent le vide créé par l’absence des Béninois. C’est alors qu’Omar Bongo va tenter de fumer le calumet de la paix en créant un climat de confiance à quelques Béninois restés sur le territoire car, détenteurs de la nationalité gabonaise, pour encourager à inciter leur compatriotes rapatrié à revenir au Gabon.

Après cet épisode sombre, un calme apparent s’installe et voile les rares petites humiliations que les Béninois vont continuer à subir, jusqu’à la mort d’Omar Bongo en juin 2009 et succédé par son fils Ali.
En août 2023, lors du renversement du régime Ali Bongo, les Gabonais auraient accusé les Béninois d’être d’intelligence avec le président déchu, alors que ceux-ci avaient simplement été sollicités pour mettre leurs compétences au service du Gabon dans des secteurs spécifiques.

Un nouveau régime, avec à sa tête Brice Oligui Nguema, s’installe au Gabon après 18 mois de transition. Vers la fin du premier semestre de l’année 2025, tout un village de pêcheurs béninois a été incendié sur ordre des nouvelles autorités gabonaises, pour des raisons restées ambiguës jusqu’à ce jour.

Comme si le peuple gabonais n’était pas épuisé de chercher des poux sur la tête d’un chauve, c’est au tour des femmes gabonaises de harceler les Béninoises au marché de Lambaréné, les accusant d’occuper leurs sites de vente. Dans une vidéo devenue virale sur les médias sociaux en début de semaine du 11 août 2025, on voit une influenceuse gabonaise en train de vociférer sur des commerçantes étrangères, nommant les béninoises à qui elle intime l’ordre de retourner dans leur pays. Pourtant vivre au Gabon coûte aux ressortissants africains, la somme de 820.000 FCFA pour avoir accès à une « carte de séjour » qui ne couvre que 24 mois.


À l’opposé, sans aucune imposition, le Bénin offre une hospitalité gracieuse à une communauté gabonaise qui y vit, y étudie et y travaille depuis plusieurs décennies en toute sécurité et tranquillité. Le même accueil est offert à tous les autres étrangers vivant sur le territoire du Bénin sans distinction aucune.

Suite à cette énième embrouille entre les deux communautés, l’État gabonais sort une note officielle publiée le 12 août, pour interdire aux étrangers l’exercice d’une catégorie de métiers dont le droit est exclusivement réservé aux Gabonais.

Pendant ce temps, le ministère des affaires étrangères du Bénin, par un communiqué officiel en date du 14 août 2025, prévoit d’initier dès « les prochains jours, en coordination avec les autorités gabonaises, une mission d’identification et de recensement des Béninois candidats au retour volontaire. En réaffirmant par la même occasion son respect « à la souveraineté de chaque État, le Bénin demeure profondément attaché à l’idéal panafricaniste des pères fondateurs de la solidarité africaine, qui prescrivent que chaque Africain puisse se sentir chez lui partout sur le continent conditions nécessaires à une intégration réelle et à un développement harmonieux»

Dans un contexte où le Bénin, grâce à la dynamique insufflée par le Président Patrice TALON, devient la vitrine de l’émergence en Afrique francophone, avec une économie dynamique et résiliente, un développement infrastructurel et industriel fulgurant, ainsi qu’un rayonnement touristique et culturel notable, Libreville gagnerait à redéfinir sa coopération avec Cotonou, afin de s’inspirer du modèle béninois.

Joseph-Bonké DOTOU

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