Depuis son arrestation et sa détention, Comlan Hugues Sossoukpè fait objet des critiques de toutes sortes. Il serait tout de même détenu dans des conditions qui ne répondent pas au minimum requis pour le respect de la dignité humaine. Très préoccupés, ses avocats tirent la sornette d’alarme. Dans un communiqué, le collège des avocats de la défense dénonce les comportements dénigrants qui s’observent à l’endroit de leur client et les conditions dans lesquelles il serait détenu. Les avocats appellent au respect de ses droits et de sa présomption d’innocence. Lisez ci-dessous leur communiqué.
Communiqué de Presse n°2
Collège d’Avocats – Défense de Monsieur Comlan Hugues Sossoukpè
Paris, le 8 septembre 2025
Le collège d’Avocats en charge de la défense de Monsieur Comlan Hugues Sossoukpè,
journaliste, défenseur des droits humains et lanceur d’alerte béninois, a suivi, avec une
attention très particulière, les diverses déclarations des officiels béninois et ivoiriens,
après un grand moment de tergiversation ainsi que des comportements dénigrants
d’une partie de l’opinion, au sujet de son client alors même qu’une information
judiciaire est en cours.
Le Collège d’Avocats avait le choix de l’observation et du silence face aux diverses
attaques dont Monsieur Comlan Hugues SOSSOUKPE était la cible.
Toutefois, face aux
conditions de détention, qui ne répondent pas au minimum requis pour le respect de
la dignité humaine, le Collège se voit dans l’obligation d’exiger le respect des droits
fondamentaux de son client. À l’appui de cette démarche, le Collège entend également clarifier la situation globale de Monsieur Comlan Hugues SOSSOUKPE, notamment dans le contexte de la campagne de dénigrement orchestrée contre lui.
D’abord, le collège relève avec la plus vive préoccupation que les positions tenues
publiquement par les officiels béninois et ivoiriens, n’ont qu’une seule finalité : le déni
pour les autorités ivoiriennes du statut de notre client et la volonté de peindre en noir
le travail journalistique de M. SOSSOUKPE par le Gouvernement béninois. En effet,
pour semer la confusion dans l’opinion aux fins de légitimer l’arrestation arbitraire et
hors de tout cadre procédural de Monsieur Comlan Hugues Sossoukpè, ils lui dénient
pour les uns, sa qualité de journaliste de notoriété publique, pour les autres son statut
de protégé international offert par l’Etat du Togo, sa résidence habituelle durablement
établie à Lomé (Togo) et son droit inaliénable à la présomption d’innocence. Pour s’en
convaincre, il n’a nullement été contesté par les autorités étatiques béninoises et
ivoiriennes qu’une invitation de M. SOSSOUKPE à Abidjan pour participer à un forum
sur le numérique constituait la raison de son séjour en Côte d’Ivoire.
Il est incontestable que les déclarations émises par ces différentes autorités mettent
en évidence une incohérence manifeste dans leur version.
Cette posture contradictoire, fondée sur l’inversion des normes et le brouillage
volontaire des faits, appelle de la part du Collège une réponse ferme et un éclairage
factuel précis dans les termes ci-dessous :
Sur la qualité incontestable de journaliste
Il est tout d’abord impératif de rappeler solennellement que Monsieur Comlan Hugues
Sossoukpè est un journaliste reconnu. À ce titre, il exerce pleinement la fonction de Directeur de publication du journal Olofofo, média indépendant et engagé, dont la
diffusion et la crédibilité sont attestées tant au Bénin qu’à l’international. Que la Loi
n°2015-07 du 20 mars 2015 portant code de l’information et de la communication
définit clairement en son article 20 les conditions pour être journaliste.
Qu’a priori, l’on pouvait être emmené à croire que c’est en raison de l’engagement et
de la qualité professionnelle irréfutable que Monsieur Sossoukpè avait été invité à
Abidjan par le ministère ivoirien de la transition numérique et de la digitalisation, pour
participer à l’Ivoire Tech Forum. Cette invitation témoigne publiquement de sa
reconnaissance et de sa légitimité dans le paysage médiatique.
A l’évidence, les réponses laconiques fournies par le Gouvernement ivoirien semblent
confirmer la thèse d’une stratégie orchestrée en ce sens que les autorités policières du
Bénin et leurs collègues de la Côte d’Ivoire ont dû collaborer pour mettre à exécution
le plan d’enlèvement de Monsieur Comlan Hugues SOSSOUKPE.
Contester cette réalité, comme se le sont permis certains officiels, constitue un déni
manifeste de la vérité et s’apparente à une tentative délibérée de discréditer sa
légitimité professionnelle.
Sur l’allégation de la résidence habituelle en Côte d’Ivoire
En contradiction flagrante avec les positions officielles béninoises et les allégations
relayées sur les réseaux sociaux, il est indispensable de préciser que Monsieur
Sossoukpè n’est pas un résident ivoirien.
Depuis 2019, il bénéficie d’une protection internationale en qualité de réfugié,
reconnue par l’État togolais conformément à la Convention de Genève du 28 juillet
1951 relative au statut des réfugiés. Il réside et mène sa vie en toute légalité au Togo
et n’a, à aucun moment, perdu cette qualité.
Cette reconnaissance ne saurait être ignorée ni déformée au gré d’un récit fictif destiné
à justifier, de manière inacceptable et a posteriori, son enlèvement.
Sur la méconnaissance délibérée de son statut de réfugié
Le Collège d’Avocats tient à rappeler que l’argument avancé par le gouvernement
ivoirien, selon lequel il ignorait la qualité de réfugié de Monsieur Comlan Hugues
Sossoukpè, est manifestement inacceptable.
Dès son arrivée en Côte d’Ivoire, Monsieur Sossoukpè a présenté un titre de voyage
officiel délivré par l’État togolais. Ce document mentionne clairement le statut de
« réfugié ». Il a été remis aux autorités ivoiriennes dans le cadre de l’organisation de
son séjour et lors de son accueil.
Monsieur Sossoukpè n’a jamais caché qu’il bénéficiait d’une protection internationale.
Il a toujours agi en toute transparence.
Il apparaît donc évident que les autorités ivoiriennes ont eu connaissance de son
statut, notamment à l’occasion des entretiens et des contrôles auxquels il a été soumis.
Prétendre l’inverse ne repose sur aucun élément objectif et sérieux.
Cet argument d’une prétendue ignorance ne peut masquer la gravité de la situation :
la privation arbitraire de liberté et la soustraction abusive subies par Monsieur
Sossoukpè sont des actes très graves au regard du droit international.
Le gouvernement ivoirien est alors pleinement responsable de la remise de Monsieur
Sossoukpè à un Etat dans lequel il était en danger et en raison duquel une protection
internationale lui a été accordée. Il ne saurait s’y soustraire d’aucune manière.
Le gouvernement ivoirien, sauf à s’engager de faire de la terre ivoirienne un Etat non
sûr pour les personnes en quête de survie et de sécurité, doit s’engager pour le
rétablissement sans condition des droits de protégé de Monsieur Sossoukpè.
Le collège se réserve le droit d’engager toutes les actions appropriées contre l’Etat de
Côte d’Ivoire dont la responsabilité ne souffre d’aucun doute.
Sur la qualification erronée d’extradition régulière
Contrairement aux allégations officielles prétendant qu’une « extradition régulière »
aurait été réalisée, le Collège d’Avocats tient à affirmer avec la plus grande fermeté
qu’aucune personne ne peut faire l’objet d’une extradition sans avoir été préalablement
présentée à une autorité judiciaire compétente, conformément au droit interne
ivoirien.
Ce principe est d’ordre public, tant national qu’international, et s’applique à toute
personne se trouvant sur le territoire d’un État dont elle n’est pas ressortissante, qu’elle
bénéficie ou non d’une protection internationale.
Or, il est établi que Monsieur Sossoukpè n’a jamais été présenté devant une autorité
judiciaire ivoirienne, malgré sa demande expresse en ce sens. De surcroît, il ne lui a
pas été permis d’exercer ses droits de défense dans des conditions régulières et en
temps utiles. Cette carence flagrante constitue une violation grave des standards
internationaux ainsi que des principes fondamentaux de procédure pénale.
En conséquence, le Collège d’Avocats conteste catégoriquement le caractère « régulier
» de ce transfert, lequel ne saurait en aucun cas être qualifié d’extradition au sens
juridique du terme.
Par ailleurs, le Collège d’Avocats rappelle que l’État de Côte d’Ivoire engage sa
responsabilité pleine et entière dans cette affaire, tant au regard du respect des droits
fondamentaux qu’à celui du strict respect des procédures légales.
En cas d’ignorance de ces règles, le manquement persistant aux obligations liées au
statut de réfugié et au déroulement régulier de la procédure affaiblit gravement la
crédibilité démocratique et juridique de la Côte d’Ivoire sur la scène internationale.
Il convient de souligner que de tels comportements portent atteinte à la crédibilité de
la justice africaine. Dans un contexte où nos États cherchent à attirer des investisseurs,
il est essentiel de rappeler que la qualité du système judiciaire constitue un critère
déterminant pour l’attractivité des investissements. Par ailleurs, ces agissements
compromettent également la liberté de la presse, particulièrement dans le cadre d’un
débat d’intérêt général au sein d’un État de droit.
Le Collège d’Avocats exige que soit reconnue cette illégalité manifeste et appelle à la
remise en cause immédiate des agissements procéduraux qui y sont attachés.
Sur la violation de la présomption d’innocence
Le Collège tient également à dénoncer avec la plus grande fermeté la violation
systématique de la présomption d’innocence dont fait l’objet Monsieur Comlan Hugues
Sossoukpè à travers une vaste campagne de dénigrement organisée à son encontre.
Les accusations dégradantes et infondées, telles que celles de « collabo des ennemis
», proférées sur certaines chaînes de télévision et amplifiées sur les réseaux sociaux,
portent une atteinte grave à cette présomption essentielle et au principe fondamental
d’un procès équitable. Ces propos, diffusés sans le moindre fondement judiciaire ni
respect du contradictoire, contribuent à diffuser une image faussée et diffamatoire de
Monsieur Sossoukpè.
Le collège exprime également son grand étonnement quant à la diffusion de propos
dans l’opinion publique d’une prétendue exploitation des appareils connectés de notre
client, qui serait réalisée en son absence et sans la présence de ses conseils, ce qui
constituerait un manquement grave aux règles élémentaires de la procédure pénale,
d’autant plus dans le cadre d’une affaire en phase d’instruction protégée par le secret
de l’instruction.
Le collège dénonce fermement ces comportements préjudiciables et vindicatifs qui
visent uniquement à conditionner l’opinion publique dans le but d’instaurer à tort une
présomption de culpabilité à l’encontre de notre client.
Le Collège invite instamment tous les auteurs et relais de ces campagnes diffamatoires
et dénigrantes à cesser immédiatement de porter atteinte à la réputation et aux droits
de Monsieur Comlan Hugues Sossoukpè. Il se réserve expressément le droit de saisir
toutes les juridictions compétentes et d’engager toutes les voies de droit utiles afin de
faire cesser ces agissements préjudiciables et d’obtenir réparation.
Enfin, le collège appelle au respect des droits de Monsieur Comlan Hugues Sossoukpè,
surtout sa présomption d’innocence. Il n’épargnera aucun effort juridique ou judiciaire,
national ou international, pour faire respecter l’intégralité de ses droits, garantir un
procès équitable et faire cesser toute atteinte injustifiée à sa dignité, à son honneur et
à sa personne.
Sur les conditions inhumaines de détention
Le Collège d’Avocats tient à dénoncer avec la plus grande fermeté les conditions
inhumaines que subit actuellement Monsieur Comlan Hugues Sossoukpè à la prison
civile de Ouidah. Il fait l’objet d’un isolement strict, lui interdisant toute visite, y compris
celle de sa famille et de ses proches, ce qui constitue une privation grave de ses droits
fondamentaux et porte atteinte à sa dignité humaine. Ces mesures punitives et
arbitraires aggravant sa situation déjà précaire doivent cesser sans délai.
Le présent communiqué est publié aux fins que nul n’en ignore.
Ont signé :
Me Barnabé GBAGO, Avocat à la Cour, Barreau du Bénin
Me Maximin POGNON, Avocat à la Cour, Barreau du Bénin
Me Elie DOVONOU, Avocat à la Cour, Barreau du Bénin
Me Dossou B. Stanic ADJACOTAN, Avocat à la Cour, Barreau de la Seine Saint Denis
Me Gameli NOUWADE, Avocat à la Cour, Barreau de Paris
Me Charlemagne DAGBEDJI, Avocat à la Cour, Barreau de Paris
Contact média
Me Charlemagne DAGBEDJI, Avocat à la Cour, Barreau de Paris
E-mail : charlemagne@dagbedji-avocat.fr
Tél : (+ 33) 7 59 59 28 28
La Rédaction