Autrefois portées pour sublimer les pas de danse ou marquer une appartenance culturelle, les chaînes de cheville sont devenue un accessoire prisé par de nombreuses jeunes filles. Si elles font aujourd’hui partie de la mode, elles n’en restent pas moins au cœur de nombreux débats. Elles cliquettent au rythme des pas dans les rues. Bijou discret pour certaines, affirmation culturelle ou tendance empruntée pour d’autres, les chaînes de cheville portées par les jeunes filles soulèvent des regards, parfois de l’admiration, souvent des jugements. Mais que disent-elles vraiment ?

Dans les rues, sur les plages, dans les marchés, les boîtes de nuit, ou sur les réseaux sociaux, les chaînes de cheville séduisent une jeunesse en quête de style et de singularité. Elles brillent discrètement aux chevilles des jeunes filles. Parfois en or, parfois en perles, parfois fines ou sonores, les chaînes de cheville se portent fièrement.

 Mais derrière ce bijou d’apparence anodine, les motivations varient et les opinions s’opposent. « C’est culturel chez moi. Chez les yorubas, les jeunes filles en portaient souvent pour les fêtes ou les cérémonies. C’est un bijou traditionnel avant d’être à la mode” affirme Zouériath 24 ans, entrepreneure.

Pour beaucoup, elles font partie du look, au même titre que les boucles d’oreilles ou les colliers. » Moi je les porte juste parce que c’est joli. Je trouve que ça complète bien mes tenues, surtout quand je mets des sandales. J’aime ce que ça représente. C’est féminin, et puis c’est mon style, tout simplement” confie Clarisse, 20 ans, étudiante.

Mais pour d’autres, le bijou est chargé de connotations bien plus complexes. Dans certaines familles ou milieux religieux, la chaîne de cheville reste taboue. “Chez moi, une fille qui porte est considéré comme légère. C’est un bijou qu’on associait aux danseuses ou aux filles de joie”, témoigne avec réserve une mère de famille.

Contrairement à celles qui les portent pour des raisons culturelles et de mode, d’autres suivent juste la tendance. C’est le cas de Rihannath apprentie couturière âgée de 18 ans. « Franchement, je ne sais même pas pourquoi je les porte. J’ai vu plein de copines le faire, donc je me suis dit pourquoi pas. Après tout, tout le monde en met maintenant.”

Une pratique mal vue dans la société

Si les filles prennent elles du plaisir à porter des chaines au pieds, la société n’arrive par contre pas à l’accepter. Quelles que soient les raisons pour lesquelles on les porte, les chaines ou perles n’ont pas leur place aux pieds selon certaines personnes. Pour ces dernières, cette pratique est contraire aux valeurs morales africaines et les personnes qui s’y adonnent ne sont pas loin des filles de mœurs légères. Rihannath a plusieurs fois subi des regards critiques. “Dès que je porte ça, j’ai droit à des regards insistants ou à des remarques déplacées” a-t-elle déclaré avant d’ajouter “un jour, un monsieur m’a dit que je ne devrais pas sortir ‘habillée comme ça’, juste à cause de ma chaîne au pied.”

Dans certains foyers religieux, des discours plus nuancés émergent. “Ce n’est pas le bijou qui est mauvais, c’est l’intention derrière. Si c’est pour séduire ou provoquer, il faut se poser des questions. Mais si c’est pour exprimer sa beauté, pourquoi pas ?”, raconte Mr Malik père de famille. “Il faut faire attention à la signification des symboles que nous adoptons sans discernement”, avertit l’imam Ousmane.

« Autrefois, ce genre de bijou était réservé à certaines femmes dans des milieux spécifiques. Aujourd’hui, la jeunesse le banalise sans en connaître l’origine. Ce n’est pas un péché, mais il faut de la pudeur dans la façon de s’exprimer, même dans l’apparence.”

Un regard sociologique

Pour Mme Elisabeth sociologue ce phénomène est à lire sous plusieurs angles. “Nous sommes dans une époque où l’apparence joue un rôle central. La chaîne de cheville devient alors une manière de dire ‘je suis à la mode’, ou encore ‘je suis différente’. Certaines jeunes filles en font un outil d’expression culturelle ou identitaire, mais beaucoup aussi la portent sans réelle réflexion, juste pour s’intégrer.” Elle poursuit en disant “qu’il y a aussi une charge symbolique forte dans ce bijou. Parce qu’il attire l’œil sur une partie intime du corps, il génère des interprétations parfois sexualisées, même à tort. Ce n’est pas la chaîne qui est en cause, mais la manière dont la société lit les corps féminins.”

Ce regard nuancé, de plus en plus porté par des éducateurs, invite à la tolérance. Car au-delà de l’objet, c’est bien d’identité et de liberté qu’il s’agit. “Je veux porter mes chaînes de cheville, je veux me sentir belle, sans être jugée. C’est aussi ça, être une femme libre aujourd’hui”, affirme avec détermination Clarisse.

En somme, la chaîne de cheville, aussi fine soit-elle, porte de lourdes significations. Elle reste un petit bijou chargé d’enjeux. Détail de mode pour les unes, symbole de transgression pour d’autres, elle cristallise les tensions entre générations, normes et libertés. Elle interroge la liberté de se parer, les tensions entre traditions et modernité, et surtout, le droit des jeunes filles à choisir ce qu’elles veulent exprimer sans avoir à se justifier.

Aoulath Osseni

By Jupiter

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