Trente et un ans après le génocide des Tutsi au Rwanda, une plainte pour complicité de génocide et de crimes contre l’humanité vise la Banque de France. L’institution est accusée d’avoir validé des virements financiers en pleine période d’embargo international sur les armes, contribuant indirectement à l’armement des forces génocidaires.
La Banque de France fait l’objet d’une plainte pénale déposée le 4 décembre 2025 auprès du pôle spécialisé du tribunal judiciaire de Paris, chargé des crimes contre l’humanité. Cette procédure, révélée par Libération et confirmée par Agence France-Presse, intervient plus de trois décennies après l’extermination des Tutsi au Rwanda.
Les plaignants: le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) et ses fondateurs Alain et Dafroza Gauthier , accusent la banque centrale française d’avoir manqué à ses obligations de contrôle, alors que l’Organisation des Nations unies avait décrété, le 17 mai 1994, un embargo strict sur les ventes d’armes à destination du Rwanda.
Des virements effectués en pleine période de génocide
Selon la plainte consultée par l’AFP, la Banque de France aurait non seulement maintenu le compte de la Banque nationale du Rwanda, mais aussi validé plusieurs transferts financiers à son bénéfice, pour un montant total de 3,17 millions de francs, soit environ 486 000 euros.
Sept virements auraient été effectués entre le 5 mai et le 17 juillet 1994, en plein génocide. « Il s’agit de sommes relativement importantes, réalisées alors que nul ne pouvait ignorer ce qui se passait au Rwanda », affirme Alain Gauthier, engagé depuis plus de trente ans dans la poursuite judiciaire des responsables du génocide.
Des fonds soupçonnés d’avoir servi à l’achat d’armes
Parmi les bénéficiaires de ces transferts figure notamment la société française Alcatel. Un versement de 435 000 francs, daté du 5 mai 1994, aurait servi à l’acquisition de téléphones satellites, équipements jugés stratégiques par le gouvernement intérimaire rwandais pour maintenir ses communications internationales.
D’autres fonds auraient transité par des ambassades rwandaises en Égypte et en Éthiopie, structures aujourd’hui soupçonnées d’avoir servi de relais pour l’achat d’armes, selon les avocats du CPCR, Matilda Ferey et Joseph Breham. Ces derniers soulignent que plusieurs établissements bancaires européens avaient, à l’époque, refusé d’exécuter de telles opérations.

La Banque de France se défend
Contactée par l’AFP, la Banque de France indique n’avoir mené que des « recherches sommaires » en raison du délai très court depuis le dépôt de la plainte. L’institution affirme qu’« à ce stade, rien ne permet d’établir un manquement aux procédures strictes en vigueur dans le cadre légal et réglementaire de l’époque ».
Une responsabilité financière plus large mise en cause
Pour les parties civiles, cette affaire illustre le rôle central joué par des acteurs financiers dans la mécanique du génocide. « Le génocide des Tutsi n’a pas seulement été perpétré par ceux qui tuaient sur le terrain, mais aussi par des criminels en col blanc qui ont autorisé des transferts indispensables à la machine génocidaire », dénoncent les avocats du CPCR.
Cette plainte s’inscrit dans un contexte judiciaire plus large. Le groupe bancaire BNP Paribas fait déjà l’objet, depuis 2017, d’une enquête judiciaire pour complicité de génocide et de crimes contre l’humanité, à la suite d’accusations similaires portées par plusieurs associations, dont le CPCR.
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Huguette Hontongnon
